Nous partageons l’idée exprimée par Alternatiba et bon nombre d’écologistes « Changeons le système, pas le climat ». En définissant précisément ce qu’est le système, nous pouvons comprendre comment il est possible de le faire évoluer. |
Faire évoluer le système (PDF de l'article)
Le système est souvent invoqué pour justifier des injustices et des incohérences tout en nous laissant entendre que nous n’y pouvons rien. Exemple, si l’argent va toujours aux plus riches c’est à cause du système. Nous (auteurs) adhérons à l'idée qu'il y a un dysfonctionnement systémique dans la Société1 mondialisée, mais nous pensons que nous pouvons corriger le système.
Nous nous sommes appuyés sur des connaissances issues de la psychologie des groupes. Il est admis qu'un groupe est constitué de la somme de ses membres et d'une dynamique collective2. Cette dynamique collective produit un discours dominant qui valide et justifie les comportements les plus répandus dans le groupe. En tant que dynamique, elle produit un système qui s'auto-développe et impacte le fonctionnement du groupe.
1 Société avec une majuscule pour signifier que les humains font Société de fait.
2 Le psycho-sociologue Kurt LEWIN (1890-1947) est à l'origine de cette théorie que nous nous sommes appropriée.
Cette origine du système vaut pour tous les groupes, quelle que soit leur taille. Que constatons-nous à l’échelle de notre pays et à celle de la Société ? Les comportements les plus fréquents sont sous-tendus par la rivalité : comparer et hiérarchiser les personnes, favoriser les apparences, rechercher l’enrichissement en tant que but. Le système qui en découle est donc dans la droite ligne de ces comportements.
Plus précisément, la rivalité revient à :
→ Se comparer et vouloir « être plus » (riche, fort, ...) que les autres et « avoir plus » (d’argent, de pouvoir, de notoriété...) ;
→ Se faire valoir, se montrer comme étant supérieur quitte à dévaloriser les autres ;
→ S'imposer par l’autorité, l’intimidation et/ou la manipulation pour arriver à ses fins ;
→ Se soumettre ou accepter la dévalorisation : laisser dire et faire les personnes qui s’imposent pour avoir la paix ou en les admirant de savoir s’imposer ; s’autodévaloriser éventuellement ;
→ Juger les autres : les admirer ou les mépriser selon qu’ils sont perçus dans le « plus » ou le «moins ».
La dynamique collective produit donc un discours dominant qui justifie ces comportements. Il est y convenu que certaines personnes valent plus que d’autres, que la compétition sociale est naturelle, que les chefs sont une nécessité, qu’il est normal que les plus forts s’en sortent mieux que les plus faibles, qu’il y a toujours eu des gagnants et des perdants, que pour être un gagnant il faut savoir s’imposer, se faire valoir et masquer ses faiblesses, etc. Message ponctué néanmoins parfois de déclarations sur la nécessité de venir en aide aux plus faibles et aux plus démunis, notamment lors de campagnes ciblées sur une cause particulière.
Ce sont les individus qui créent ce discours dominant et le diffusent dans les réseaux sociaux, les médias, la publicité, les films, les séries, si bien que ce message nous influence. La publicité instrumentalise souvent la rivalité pour déclencher l’acte d’achat. Les films et séries en la mettant en scène en renforcent l’acceptabilité, d’autant plus lorsqu’ils la rendent drôle ou esthétique. Des personnalités médiatiques, prises comme modèles par une partie de la population, assument publiquement des comportements irrespectueux.
Adhérer au discours dominant procure un sentiment de normalité et de sécurité, c'est pourquoi il est difficile pour certaines personnes de l'interroger. D'autres osent le critiquer et proposer éventuellement un contre-discours. D’autres encore l’attaquent frontalement et violemment, pensant que seul un rapport de force pourrait le faire changer. Cette dernière méthode ne fait néanmoins que renforcer la rivalité par l’affrontement de camps. Le constat est que l'actuelle dynamique collective et son discours dominant produisent un système qui développe le toujours plus sans limites :
→ Toujours plus d’argent par tous les moyens pour se rassurer narcissiquement et avoir du pouvoir ;
→ Toujours plus de pouvoir et de notoriété par tous les moyens pour en jouir ;
→ Toujours plus vite, car le temps c’est de l’argent. Plus vite pour travailler afin de réduire les coûts, plus vite pour être informé avant les autres, plus vite pour régler des problèmes quitte à en créer d’autres par ailleurs, etc.
→ Toujours plus de communication. Être présents dans les médias et sur les réseaux sociaux est devenu indispensable pour développer une activité et pour exister socialement.
Nous sommes sursollicités pour nous exprimer, évaluer, voter, « liker » (aimer). Communiquer sur notre travail est devenu plus important que ce que nous faisons réellement, à tel point que le langage en est perverti. Nous n’en sommes pas dupes lorsque nous disons d’un discours qu’il n’est « que de la communication ».
Ce système a gangrené toutes les activités humaines, si bien que nous avons créé un monde dans lequel la rivalité entre les individus est banalisée. Un monde dans lequel le progrès technique est au service de la rivalité entre les entreprises et entre les nations. Un monde dans lequel de grands groupes d'intérêts privés supplantent des pouvoirs politiques nationaux. Un monde dans lequel nous inventons et produisons des armes de plus en plus sophistiquées et efficaces pour la guerre, souvent sur fond de guerre économique. Armes qui servent aussi le terrorisme et la délinquance. Finalement nous avons donné naissance à un système qui s'auto-développe pour notre malheur.
Nous pouvons ressentir un sentiment d'impuissance face à ce système délétère, pourtant nous pouvons le modifier en agissant sur le premier maillon de la chaîne qui le produit : les individus. Les humains sont porteurs d'une contradiction intrinsèque. La connaître permet de comprendre pourquoi la rivalité s'est propagée et comment elle pourrait céder à la place à des comportements plus bénéfiques.
La contradiction intrinsèque des humains
Les humains ont un Ego qui les poussent à l'égoïsme et à la rivalité, mais aussi quatre exigences fondamentales (4EF) de sens, de justice, de paix et d'amour qui lui font contrepoids.
Ces 4EF sont observables chez les très jeunes enfants dès qu'ils commencent à parler. Il posent des questions, souvent très pertinentes, cherchant à comprendre le sens de ce qui se passe autour d'eux. Ils sont choqués par les injustices et posent des questions à ce sujet "Pour il dort sur le trottoir le monsieur ?". Des adultes peuvent raconter un souvenir d'injustice qui remonte à l'enfance et qui les a marqués, même s'ils n'en avaient été que témoins. Les enfants aiment les ambiances paisibles ; s'ils vivent dans un environnement tendu avec de nombreuses disputes ils cherchent souvent des lieux de paix, chez des voisins accueillants ou au contact de la nature par exemple. Quant à l'exigence d'amour, à entendre au sens de l'amour d'autrui qui fonde l'empathie, elle est mise en acte par les très jeunes enfants qui peuvent tendre spontanément leur doudou à un enfant qui pleure. L'empathie est présente chez les humains dès la naissance. Dans les maternités, à l'époque où les nourrissons dormaient dans une nursery pour que les mamans se reposent après l'accouchement, le personnel savait que si l'un pleurait il fallait l'apaiser rapidement ou le sortir de la pièce avant que sa détresse se propage et fasse pleurer les autres.
Pour des raisons que nous explicitons dans l'article Le défi des humains, la rivalité s'est propagée à grande échelle. En se généralisant elle a gangrené toutes les activités humaines et s'est banalisée. Voilà pourquoi nous avons construit un monde qui ne répond pas à nos aspirations profondes, mais rien ne nous empêche de nous recentrer personnellement et collectivement sur nos 4EF.
Vers un système vertueux ?
Agir au regard de nos 4EF c'est prendre une posture dite "d'apparentement". Elle consiste à s'accorder avec autrui d'égal à égal, avec empathie et bienveillance quelles que soient les différences, d'âge, de sexe, de niveau d'études, de richesse, d'origine, de religion, d'orientation sexuelle, etc. Il s'agit d'une égalité en tant qu'être humain, sachant que nous sommes tous différents en termes de capacité physique, intellectuelle, manuelle, artistique et de culture. Cette posture relationnelle d'apparentement conduit à des comportements spécifiques, opposés à la rivalité.
→ Comparer nos points forts et nos points faibles sans se positionner en supériorité ni en infériorité ;
→ Chercher un terrain d’entente au lieu de s’imposer. Argumenter pour faire comprendre à l’autre notre point de vue et écouter le sien. Changer d’avis s’il a des arguments convaincants au regard de nos exigences fondamentales ;
→ Résister à ceux qui veulent passer en force en veillant à ne pas envenimer la relation pour autant ;
→ Apprécier les atouts et les faiblesses des uns et des autres sans les hiérarchiser.
Supposons maintenant que les comportements d'apparentement se généralisent, ils seraient alors validés par un nouveau discours dominant : nous avons tous des points forts ainsi que des points faibles et ce n’est pas grave. Les échecs font partie de la vie, de l’apprentissage, ils peuvent nous permettre de progresser. Nous apprenons tout au long de notre vie. La réussite de choses exceptionnelles (en sport, art, artisanat...) est le résultat d’un parcours jalonné de doutes, d’échecs surmontés, de renoncements. Nous sommes tous porteurs d’un Ego qui nous attire vers l’égoïsme et la rivalité, mais aussi de 4EF qui nous incitent à nous préoccuper des autres et à cultiver la justice sociale et la paix.
La nouvelle dynamique collective produirait un système qui développerait la recherche de sens, d'un sens qui soit juste car c'est indispensable pour accéder à la paix. Un système qui s'inscrirait dans une temporalité nous permettant d'avoir du temps pour :
→ Réfléchir aux conséquences de nos choix (paroles et actions) pour nous assurer qu’ils soient en cohérence avec nos exigences fondamentales ;
→ Chercher des solutions à nos problèmes en les historisant (ils ne surgissent jamais de nulle part) et en globalisant la réflexion pour ne pas impacter négativement d’autres domaines ;
→ Bien faire ce que nous entreprenons, ce qui est une source de satisfaction et d’efficacité ;
→ Prendre soin de soi et des autres, pour se remettre de la perte d’un être cher, accueillir un nouvel être au monde, cultiver l’amour, contempler la beauté de la nature ou de l’art, etc.
Le discours dominant de rivalité est de plus en plus souvent remis en cause parce qu'il justifie des injustices que nous (humains) supportons de moins en moins. L'attaquer violemment est contre-productif nous l'avons déjà évoqué, mais c'est aussi potentiellement dangeureux. La violence fait peur et elle sert de justification aux tenants du pouvoir pour réprimer les contestataires. Le risque est d'entrer dans un cercle vicieux de violence. D'autre part, l'histoire a montré qu'un renversement de pouvoir pour instaurer une gouvernance qui oeuvrerait véritablement pour le bien de tous n'a jamais atteint son objectif. Les nouveaux tenants du pouvoir finissent par s'habituer aux privilèges associés à leur statut et perdent de vue leurs objectifs initiaux de justice. Ils utilisent alors la force et l'idéologie pour se maintenir au pouvoir, faire taire toute contestation, fermer leur pays et brimer certaines catégories de population. Les victimes ne sont pas les mêmes, c'est la seule différence.
Des contre-discours non violents (celui présenté sur ce site en fait partie) font sens pour de nombreux citoyens, à tel point qu'ils mettent en difficultés les personnes qui défendent l’actuel discours dominant. Ces personnes ont du mal à justifier des structures sociales et des fonctionnements qui génèrent de l'injustice. Elles tentent de le faire en affirmant que les rapports dominant-dominé et les organisations sociales pyramidales sont naturels et inévitables. Pourtant il n'existe pas dans la nature d'organisations pyramidales dans lequelles le pouvoir est attribué par vote, pas plus que par transmission à des héritiers. Les dessins animés du type Le Roi Lion entretiennent cette fausse croyance mais ne sont que des projections humaines sur le règne animal.
Les défenseurs du discours dominant, à court d'arguments, attaquent les contre-discours pacifiques en affirmant qu’ils sont mensongers. Des experts partiaux, voire achetés, leur fournissent une validation pseudo-scientifique qui est diffusée par les grands médias. De nombreuses personnes le relayent à leur tour et cela crée des tensions dans les familles, entre collègues, entre amis parfois. L'hostilité envers les auteurs des contre-discours conduit à ce qu'ils soient traités d'irresponsables et de complotistes.
Il conviendrait d'organiser de véritables débats qui permettraient de comparer les discours. Les chaînes publiques d’informations pourraient être mandatées par le pouvoir politique pour les organiser et les rendre accessibles aux citoyens. Nous conseillons pour cela la présence systématique d’un candide qui ferait clarifier et vulgariser le discours des experts.
Nous pourrions très bien vulgariser suffisamment les controverses pour les rendre accessibles aux adolescents et aux enfants. Ils seraient ainsi habitués à réfléchir et débattre sur des sujets qui les concernent au premier chef, car déterminants leurs futures conditions de vie. Ils pourraient même nous surprendre par leurs idées ! L’éducation s’en trouverait transformée et nous pourrions tisser avec eux un lien de confiance intergénérationnel.
L'actuel discours dominant bouge t-il ? Des publicités commencent à s'appuyer sur nos 4EF pour déclencher l'acte d'achat, c'est le signe que les citoyens y sont de plus en plus sensibles. Cette nouvelle sorte de publicité nous influence en retour, c'est donc un cercle vertueux. Le fait d'être informés en temps réel des injustices et des malheurs qui frappent des populations lointaines nous sollicite dans nos exigences fondamentales, dans notre empathie, ce qui peut expliquer notre intolérance grandissante à l'injustice. En France et dans les pays dits riches, de nombreuses personnes s'investissent pour compenser ou corriger les effets délètères du système actuel, pour développer une économie reposant sur des principes éthiques et écologiques, pour adopter un mode de vie recentré sur l'essentiel et donc plus sobre. Autant d'initiatives qui, se multipliant, peuvent enclencher un développement exponentiel de l'apparentement et transformer de ce fait la dynamique collective.
Nous (les auteurs) pensons que l'humain est capable de se remettre en cause et de progresser véritablement parce que cela répond à une aspiration profonde. Notre optimisme s'appuie aussi sur le fait qu'une personne centrée sur ses 4EF accède à quelque chose d'inestimable : la joie. Cette émotion est impossible à ressentir au détriment de quelqu'un, donc impossible à ressentir dans la posture de rivalité qui implique un dominé. La joie est l'émotion par excellence qui participe de ce qui nous rend heureux, et elle est amplifiée quand elle est partagée. Elle est la plus-value de l'apparentement.
L'émergence d'un système vertueux nous permettrait d'avancer sur un nouveau chemin, vers l'accès de tous au Bien-être universel.